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Albertoknox memento
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2 mars 2005

pauvre de toi

Pauvre de toi

 

 

« Mr s’il vous plait ! Même dix centimes s’il vous plait ! »

 Cette triste tirade répétée sans cesse chaque minute, chaque heure, chaque jour de l’année par les SDF. Oui les « gens » ont même réussis a nous donner un sigle pour nous nommer : Sans Domicile Fixe, quelle hypocrisie ! En vrai on nous appelle claudeau, clochard, ou encore sans abris qui est moins cruel dira-t-on. Et puis une fois qu’on nous est passé devant on dit « le pauvre homme »…et Tartuffe ? Est ce que je me demande l’état de santé de Tartuffe ? Les petits bouts de carton avec « j’ai faim » écrit en gros d’une main maladroite ne sont plus pour moi, c’est sans espoir. J’ai cessé d’espérer recevoir de l’aide de ces citadins quand j’ai compris qu’ils faisaient tout leur possible pour m’ignorer. Tu les vois les peureux, ils te repèrent de loin et changent de trottoir faisant semblant de se diriger vers un être magasin, comme s’ils avaient peur que tu les mordes et comme s’ils ne voulaient pas te blesser en te contraignant a croiser leur regard épouvanté, pétrifié. J’ai cessé d’espérer quand j’ai compris que ce monde est égoïste à volonté, l’été ils nous laissent pourrir sur la dalle et ils attendent l’hiver et les grandes gelées pour ramasser la merde glacée, c’est plus propre. Ils nous prennent par paquets comme des feuilles mortes et quand a la météo la jolie blonde annonce des grands gels ils sortent les filets pour qu’on soit plus facile a ramasser.

 Je ferais mieux de vous compter mon histoire, plutôt banale en ces dures périodes.

J’ai eu une jeunesse heureuse, très belle, pleine de souvenirs, une jeunesse comme beaucoup de monde en rêve. J’ai continué mes études un peu, moyennement réussies mais terminées avec succès. Ensuite je me suis rapidement fait embauché dans une usine flambant neuve à l’époque. Vingt ans de carrière, bien payé, je vivais bien, un foyer, une famille, des enfants, le paradis. Et puis un jour, le patron dit qu’il doit fermer l’usine, prétextant une baisse de marché et tout un tas de raisons incompréhensible pour les ouvriers moyens que nous étions. Me voila licencié donc, avec tous les collègues, on était cent vingt au total. J’ai alors près de cinquante ans, je viens de perdre le seul emploi de ma vie, je n’ai pas été indemnisé comme tout le personnel de l’entreprise. Je me suis alors vite inscrit à l’ANPE, et j’ai dû souscrire avec les options « à vie » et « sans avenir ». En effet, plus j’allais et plus le temps passais, plus la jolie secrétaire derrière son joli bureau me disait » désolé, je n’ai rien pour vous encore, revenez plus tard, on cherche des jeunes » avec son joli sourire…je lui en aurait collé des jolies baignes ! Moi trop vieux ? Pas jeune d’accord mais dans la force de l’expérience ! Je me suis dès lors résigné a élargir mon champs de recherches, tant et si bien qu’à la fin je me proposait pour n’importe quoi à n’importe quel prix, on aurait cru de la prostitution ! Malheureusement même ça les gens n’en veulent pas. En l’espace de peu de temps je me suis retrouvé sur la paille, j’ai accumulé les soucis financiers qui s’aggravaient et je me suis rapidement fait saisir. C’est impressionnant comme il est plus facile de prendre que de donner et c’est tout autant déconcertant de voir qu’il est tellement plus facile de prendre a ceux qui ne peuvent plus donner qu’à ceux qui ne savant même plus quoi faire de leur biens !

 Du coup me voila, sur le trottoir, ça fait maintenant entre cinq et dix ans que j’use la pavé de mes pas vagabonds. Ici ou là, quelle importance, c’est toujours pareil, toujours les mêmes voitures qui passent, les mêmes passants indifférents, les mêmes magasins pleins de vide, les mêmes bus,trottoirs, mobylettes, murs, mots, regards, secondes, visages. Ce sont toujours les mêmes nuages qui traversent un ciel toujours du même bleu, alors on perd peu à peu le fil du temps. De toute façon on vit au jour le jour, on n’a ni le temps ni l’envie de penser à demain ou à hier.

 Heureusement, aujourd’hui je vis d’amour et d’eau fraîche. J’ai enfin compris que la haine n’amène a rien, sinon à l’autodestruction et à la mort. Alors autant aimer, le monde, la nature. « La vie reste mais le monde est sans pitié », Anis. J’aime à regarder les jeunes couples qui s’embrassent sur les bancs publics en se jetant des « je t’aime » pathétiques. Ça me rappelle moi, ma tendre enfance. Parfois un jeune homme courageux vient me donner quelque pièce pour montrer sa grande générosité à sa douce qui l’embrasse ensuite toute heureuse. Alors je souris et j’attrape ce petit bonheur pour le restant de la journée. Avant j’étais comme eux, beau, joueur, rieur à volonté, généreux, doux. Mais au fur et à mesure j’ai vieillit, presque en accéléré, mes rides se sont creusées, mon nez a rougit, mon regard noircit, mon teint pali, ma barbe a envahis mon visage, mes expressions se sont endurcies, mes yeux se sont cachés derrière des paupière gonflées et des cernes lourdes et bleuies. Je dois avoir l’air d’un monstre sous mon châle à capuche noir. Mais je devais être plus laid encore à mendier, à balbutier ma quête d’un peu d’argent qui s’avérait toujours vaine. Cet argent qui nous rend invincible quand on l’a et qui veut nous tue par tous les moyens quand on ne l’a plus. Cet argent qui vient quand tout va bien et qui remballe quand tout va mal. cet argent qui avilit le monde, qui le fait s’entretuer et qui va causer sa perte inévitable.

 Tel que vous me voyez je vous parait misérable, humilié, honteux, fragile peut être. Vous me regardez de haut, avec votre fierté, votre bonne condition, et vos petites pièces de quelques vilains centimes qui ne valent pour vous mais qui pourraient me faire survire un jour de plus dans ce bas monde. Vous me voyez de haut, sans trop oser me dévisager, de peur sans doute de perdre votre beau sourire naïf face à un visage dur comme la pierre, froid comme un vent sibérien, mais plaintif et triste comme un chien. C’en est à se demander s’il y a plus d’humanité dans le regard d’un chien que dans celui d’un homme. Vous remarquerez que le président actuel du continent le plus con du monde a le regard aussi abyssal que celui de son bobtail ! vous devez baisser les yeux pour regarder l’homme de Cro-Magnon que je suis, mais je n’ai pas besoin de lever les miens pour apercevoir les hommes de cro-pognon que vous êtes. Je connais avec l’habitude tous les types de comportements  que vous avez, je vous ai longuement observé, espionné, analysé, j’ai épié, distillé chacun de vos faits et gestes. Vous vous prétendez humains civilisés mais ce sont des individus de votre espèce qui agissent inhumainement et qui déclarent des guerres au nom de la démocratie et de la civilisation alors que je pensais que la guerre était la première des barbaries. J’ai donc préféré quitter l’humanité il y a bien longtemps, désormais je libre, je peux voler parmi les oiseaux aussi haut et vite que je le veux, nager avec les dauphins aussi longuement que je le souhaite ou encore prendre racine auprès d’un chêne, roi des arbres, à méditer sur vos sorts. le mien est déjà énoncé et annoncé. « L’homme le plus riche est celui qui n’a besoin de rien »…peut être suis-je plus fortuné que Bilou ? On dit aussi « malheureux en argent, heureux en amour », je dois avouer que ce n’est pas si faux que ça, sans le souci monétaire, les valeurs changent de camp et l’amour gagne tout le cœur. La haine ? C’est nul, ça parait stupide et simple mais ce la ne mène rien, ça détruit et qui dit destruction dit haine. Alors que l’amour vous donne des ailes. Un imbécile te croise dans la rue et instantanément il t’insulte de connard,mais grâce à la merveilleuse invention qu’est l’amour tu lui rit au nez, ça le surprend, il te prend pour un fou alors juste à ce moment tu éclate de rire. A l’école on apprenait en physique les transferts d’énergie, moi j’ai appris les transferts de sentiments, c’est tellement plus marrant que d’apprendre des formules par cœur à contre cœur. Je préfère mettre le mien au premier commandement : « tu aimeras ton prochain ».

J’aime beaucoup marcher, seul évidemment, les amis sont chers puis leur compagnie est ennuyeuse. Je me promène souvent, par tous les temps, en chantant la plupart du temps le verbe amour a tout l’étang. J’aime à traîner le pied dans les herbes fraîches du printemps, dans les douces feuilles mortes de l’automne, dans la cotonneuse neige d’hiver, et sur les sentiers ensoleillés d’été. Malgré le peu de force me restant, je marche beaucoup, comme si je voulais continuer de vivre, d’exister quelque part, et je ne peux pas m’arrêter, comme si l’arrêt me condamnait a mort, accusé d’abandon, de tromperie, de lâcheté, de trahison de je ne sais quoi. Je marche inexorablement, n’importe ou, ou mon instinct me dit d’aller,je ne me pose plus de question, ça ne sert plus a rien, cela t’amène d’autres questions et tu te retrouve à ne plus te rappeler de la première et à ne plus rien savoir du tout.

 Cette nuit il va faire froid encore, je devrais me procurer deux couettes supplémentaires, j’ai déjà très froid, allez, bonne nuit Paris, la ville lumière. Demain est un autre jour, on verra si le soleil me réveillera.

 

Memento, homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris. 

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